L'envol du Flying Phantom : Le Figaro (lundi 8 dec 2014)
Par luc Simon le mardi 3 février 2015, 12:17 - Boat & Yacht - Lien permanent
NAUTISME
L'envol du Flying Phantom
ESSAI Une petite entreprise française a réussi l'exploit de commercialiser le premier catamaran volant de série. Test d'un engin de taille modeste mais aux performances hors du commun.
par CYRILLE VANLERBERGHE cvanlerberghe@leflgaro.fr ENVOYE SPECIAl. A SAINT -MALO
En s'affranchissant de la traînée de l'eau sur les coques, ce catamaran peut naviguer à une vitesse de deux à trois fols supérieure à celle du vent. PIERRICI CONTIN
pour un essai du Flying Phantom, le catamaran français qui ré volutionne la voile légère. Le vent est faible mais régulier et une belle lumière d'hiver éclaire les mtuailles de la cité corsaire. On borde les écoutes à fond et le bateau ~'élance. L'accélération est franche, sans être brutale. Le temps de sortir au trapèze, debout sur l'extériem du flottem, et de vérifier que ma boucle de harnais est bien accrochée, je réalise que, déjà, nous volons. Sans 'que je m'en rende compte, le Flying Phantom s'est levé sut son foil, la longue dérive recombée qui joue le rôle d'aile dans reau. Le léger clapotis du passage des coques dans les vagues a laissé la place à un sifflement aigu, provenant des longs et fins gouvernails à l'arrière du catamaran.
Mets bien un pied dans le foots trop », me rappelle Gmvan Bontemps, le champion de catamaran F18 et véritable pilote d'essai du Flying Phantom, qui me voit tm peu crispé mais paraît, lui, parfaitement décontracté à la barre. Si le bateau redescend un peu et retouche les vagues, je sais que le ralentissement peut être brutal et qu'il vaut mieux être bien·accroché. Après une longue période de mise au point et de développement, le Flying Phantom tient toutes ses promesses. Il plane au-dessus de l'eau, très vite, entre deux et trois fois la vitesse du vent. Les vagues, jusqu'à un mètre de ·haut, ne le ralentissent pas ; il passe confortablement au-dessus sans même un à-coup. Son vol est très stable, tme gageure pour un catamaran de 18 pieds, moins de 6 mètres, qui peut être lancé d'une plage. "IL n faut juste faire un peu plus attention qu'avec un Hobie Gat, car on a des foils qui dépassent sous les flotteurs", précise Alex Udin, le créateur du catamaran et patron de la société Phantom International, qui le commercialise.
Ces foils sont les pièces clés de l'engin et le design est directement inspiré de la dernière génération de catamarans volants de la Coupe de l'America, les AC72, qui ont régaté en 2013. << Il faut rappeler que c'est Alain Théboult qui a prouvé le premier avec l'Hydroptère qu'on pouvait naviguer très vite en volant au- dessus des vagues, mais son bateau a pris un sérieux coup de vieux avec les innovations de la dernière Coupe à San Francisco », raconte Alex Udin.
Les deux générations de bateaux volants utilisent le même principe pour s'affranchir de la traînée de l'eau sur· les coques, l'effet qui ralentit le plus l.Ul bateau. Ils utilisent des dérives, des foils, qui, comme des ailes d'avion fonctionnant dans l'eau, créent tme portance qui suffit à les soulever et à lem permettre d'accélérer plus vite que le vent. (( Le principe est finalement assez simple, mais la mise au point est longue et complexe pour arriver à un vol stable », précise Alex Uclin. C'est là qu'intervient l'irmovation géniale de Team New Zealand lors de la dernière America's Cup, qui a réussi à faire voler son catamaran sur une seule dérive et non plus deux comme c'était le cas avec l'Hydroptère. Ce foil révolutionnaire a une forme de grand << L >> dont la barre du bas se relève légèrement vers le haut.
Cette géométrie a été retenue pour le Flying Phantom, au terme d'une longue année de mise au point avec l'équipe de course du champion Franck Cammas. << L 'idée géniale, avec cette extrémité du foi! qui remonte vers le haut, c'est que quand le bateau se soulève trop elle sort de l'eau. Le foi! a alors moins de portance et le bateau redescend tout seul>>, explique Alex Uclin. L'équilibre longitudinal (on parle d'assiette comme pour un avion) est assuré par des petites ailettes en T en bas des lames de gouvernail .
Copié par les Américains
De manière plus que symbolique, les. premiers achetems du Flying Phantom ont été des équipes de la Coupe de 1' America, séduites par la possibilité de faire voler équipiers et ingénietus sm un engin bien moins coûteux et moins fragile que lew·s grands catamarans de cofuse. Est-ce le signe que le Flying Phantom n'est accessible qu'à des champions ou des marins très expérimentés ? « Le bateau est très facile à faire voler pour quelqu'un qui a déjà fait du Hobie Gat, promet son créateur. Mais il devient plus physique quand le vent dé passe 15 noeuds, car les vitesses atteintes sont alors vraiment impressionnantes. >> Grâce à ses qualités uniques, le Flying Phantom a déjà séduit une soixantaine de clients.
La petite entreprise de Saint-Lunaire prévoit d'en fabriquer entre 100 et 150 l'année prochaine dans son usine en Thaïlande. Un joli succès qui a donné des idées au constructeur américain Nacra, qui a décidé de copier la formule en ajoutant des foils en L à son catamaran de 20 pieds. Une concurrence qui n'inquiète pas la jeune entreprise française, qui réfléchit déjà à la manière de rendre encore plus accessibles les bateaux volants. <<J'ai des idées en tête pour faire un petit catamaran moins high-tech que le Phantom mais qui donnerait les même sensations de vol », confie avec un sourire Alex Udin.